Peu de devoirs incomplets ou atypiques, mais une langue fort maltraitée : emploi de "car" ignoré ; phrases hachées de parenthèses ou d'incises, mal ponctuées, sombrant dans l'anacoluthe ou la cacographie ; prépositions "à" et "de" confondues ; orthographe négligée ou anglicisée, au point d'estropier les mots les plus courants, même quand ils figurent en toutes lettres dans le texte à résumer : "cannibale" devient [canibale] ou [cannibal], "meurtre" hésite entre [meutre] ou [meurte] ; impropriétés innombrables : "barbarie" se voit substituer "barbarisme", "meurtre" trouve son synonyme dans "crime", "anthropophage" est traduit [cannibaliste]. Certains candidats gagneraient à se familiariser avec les codes élémentaires du français écrit.
Le texte d'Edgar Morin, bien structuré mais très subtil dans son écriture et son argumentation, a permis de bien distinguer les candidats maîtrisant vraiment les principes de l'exercice. Les autres se perdent dans une restitution purement analytique de passage, pointilliste et décousue, sans se préoccuper de la cohérence globale, de la thèse exposée par l'auteur, des enchaînements logiques, de la hiérarchie des arguments. On se contente trop souvent de mettre bout à bout des bribes de phrases directement empruntées au texte, sans le moindre effort de réécriture. Les contresens s'accumulent quand il s'agit de comprendre comment la réflexion de Morin passe du thème du cannibalisme à la généralité des pratiques meurtrières, comment la référence à Hegel enrichit le débat de manière décisive. Mais ils sont déjà nombreux sur des points qui paraissaient, dans leur clarté, n'exiger qu'une lecture attentive. Hélas, pouvait-on tirer quelque chose d'intelligible des trois premiers paragraphes lorsqu'on confondait les notions d'homme et d'individu ? Confusion d'autant plus grave qu'elle retentissait, au delà du résumé, dans la dissertation.
Outre les faiblesses de la langue et la méconnaissance des principes de la dissertation, on déplorera particulièrement l'inattention des candidats quand il s'agit de lire un sujet. On ne tient pas toujours compte de l'avertissement préliminaire : on propose alors la juxtaposition sommaire de trois monographies, au lieu de confronter les textes dans le cadre d'un plan justifié par une problématique. On accorde encore moins d'importance aux derniers mots : "c'est-à-dire comme valeur". On écrit valeurs , pour mieux autoriser certaines dérives hors-sujet où s'engage un examen confus des valeurs humaines . On ne renvoie que trop rarement aux oeuvres du programme. Nous le rappelons fermement : ces oeuvres ne constituent pas des exemples , parmi d'autres permettant simplement d'illustrer un débat général sur le thème défini chaque année. Elles sont l'objet même de l'étude. On ne saurait donc les éluder, ni surtout remplacer leur lecture par d'autres, philosophiques ou littéraires, voire par des considérations abstraites, nourries de poncifs. De graves contresens montrent le caractère très superficiel du travail mené parfois sur le corpus : on fait passer le tyran Créon pour un prince à visage humain, on réduit Frankenstein à l'histoire d'une éducation ratée, on oublie que W ou le Souvenir d'enfance ne se borne ni au récit du phantasme W ni à une allégorie du nazisme.
Les bonnes copies, au contraire, savent ne pas tout ramener à une question de cours. Elles préfèrent construire leur démarche en l'appuyant à la fois sur les concepts du sujet, compris dans leur spécificité, et sur le contenu des oeuvres, finement et judicieusement analysées. Elles se montrent surtout capables de comprendre que reconnaître l'homme comme individu n'aboutit pas à lui supposer la même valeur qu'en le définissant simplement comme membre de l'humanité.
Les exigences des correcteurs de Rédaction semblent parfois mal perçues. Il paraît donc opportun d'expliquer la notation de l'épreuve. Fondée sur une concertation attentive, harmonisée par une correction affine, elle ne cache aucun mystère et ne saurait être soupçonnée de traduire une quelconque subjectivité.
Elles sanctionnent essentiellement les défauts suivants :
Sans tomber dans ces excès, et tout en s'étant préparé à l'épreuve, on peut obtenir un résultat décevant si l'on commet des erreurs qui, pour être moins graves, viennent sérieusement affaiblir la valeur d'une copie :
Le tri se fera alors entre ceux qui accumuleront ces bévues et d'autres, que rachèteront partiellement les connaissances ou le savoir-faire démontrés par ailleurs.
On pourra en revanche être mieux noté (jusqu'à vingt sur vingt), ou du moins relever d'une évaluation propre à distinguer l'acceptable de l'excellent, à ces conditions :
Ces attentes n'ont rien d'excessif, compte tenu du nombre significatif de très bons devoirs à chaque session. Quelques candidats pourront toujours, cependant, être surpris par une note sévère. Mais une épreuve de concours ne permet d'apprécier ni la bonne volonté, ni les progrès réalisés, ni la qualité d'être. Elle n'évalue que des compétences, plus ou moins bien mobilisées à un moment précis, mesurables à travers un résultat concret : une copie qu'il faut classer par rapport à d'autres. On ne peut donc opposer à la note obtenue d'autres performances, réalisées pendant l'année ou lors de concours différents.
On doit surtout prendre en compte la spécificité de l'épreuve de Rédaction à Centrale-Supélec. Non seulement elle exige de réaliser en quatre heures deux exercices aussi délicats que différents, ce qui suppose un sérieux entraînement ; mais de plus, son coefficient très élevé l'oblige à être très sélective pour répondre aux désirs des Écoles, soucieuses de retenir des candidats solides dans toutes les disciplines.